jeudi 25 septembre 2014

Une histoire de clé

Je continue à croiser les doigts derrière mon dos, pour conjurer le mauvais sort, et pieds nus, je croise les orteils, aussi. On ne sait jamais. Je suis tout à la fois pétrie d'espoir, et toujours méfiante. 
Parfois, un petit déclic, ici et là, le pêne d'une serrure que l'on ouvre, une porte dans les barricades de mon esprit découverte, qui s'efface doucement maintenant qu'elle est ouverte. Peut-être exactement là où avant une blessure béait, peut-être pas, ce n'est pas le cœur du débat. 

Hier matin, des clés, déposées dans ma main. 
Pour pouvoir fermer la porte en partant, puisque j'ai le temps de me reposer encore avant d'entamer ma journée. 
Des clés, déposées dans ma main, et soudainement le poids de ce métal froid, comme trois tonnes de plomb dans ma paume, le poids de mille questions et mes sourcils qui se froncent. Des clés, vraiment ? Des clés au creux de ma main, si légères pourtant et si lourdes aussi, mes lèvres serrées, mes yeux étonnés aussi, des clés, tes clés, really ? 
Et encore embuée, me voilà seule dans un appartement qui n'est pas le mien, avec tes clés dans mes mains. 
Si vide de toi tout à coup, et si plein d'espoir, soudain, un espoir au creux de ma paume qui tinte doucement, métal contre métal, un peu froid encore, se réchauffant lentement dans la chaleur de mes mains. 
Des clés, quelques grammes de métal anonyme et pourtant, des clés qui sont à toi et que tu m'as laissées ce matin là, dans un sourire doux, en m'embrassant. Des clés qui n'ouvrent que la porte d'un appartement, et pourtant, qui ouvrent beaucoup plus que ça. Des clés, si légères soudainement, chaudes maintenant, dans mes mains, et sur mes lèvres, moi aussi, maintenant, un sourire doux, qui s'étire, et l'impression d'être aussi légère que ces quelques grammes de métal qui tintent doucement avec moi. 

Un tout petit déclic. 
Un tout petit pas. Chancelant, peut-être. Mais un tout petit pas vers l'avant. 

jeudi 18 septembre 2014

Tout est permis (ou presque)

C'est la rentrée, c'est le mois de septembre, petits et grands ont leur cartable et sac ajusté, ou justement, savamment négligemment ajusté, bref, Paris n'a plus les airs de campagne du mois d'août quand tout le monde semble flâner même pour aller travailler. 

Et pourtant, pourtant il fait beau, il fait bon, 25 degrés aujourd'hui, doigts de pieds à l'air dans les sandales, vernis à ongles élégant, pantalons de lin ou petites robes, tout est permis. 

Tout ? 
Presque tout. 

Le jeune homme qui m'envoie soudainement une photo de son torse, alors que je n'avais pas de news depuis janvier, par exemple, il croit que c'est encore l'été ? Ou bien il veut qu'on se cotise tous pour lui acheter un tee-shirt ? 

Apparemment je ne suis pas la seule à recevoir ce genre de photos. Et encore, moi c'était soft, c'était sa tête et son torse (et ses tablettes de chocolat mais je m'égare). 
Au delà du côté eye candy, désolée, mais en fait... j'ai rien demandé à recevoir, moi. 
Donc, voui, tes abdos sont fantastiques, quoiqu'à la réflexion, dormir sur toi doit être assez peu confortable, mais je me pose surtout la question suivante : que s'est-il passé entre le 10 janvier, date à laquelle j'avais envie de te bouffer tout cru, et maintenant ? 
Tu t'es perdu dans le cyberspace et maintenant tu es tout mort de faim ? Vous m'en voyez fort contrite, mais au delà de l'aspect purement esthétique de la photo, mouif, bon, bof. En fait, j'ai pas envie. 
Et voilà le môssieur qui insiste un peu, alors je dis gentiment merci mais non merci. 
Étrangement, depuis, je n'ai pas de nouvelles. 

Je pense qu'il est très prévoyant : bien qu'on ne soit qu'en septembre et qu'il fasse 25 degrés, il cherche à acquérir une bouillotte. Fort heureusement pour lui, il existe des modèles de bouilottes-ceinture, au cas où ça le travaille vraiment trop. 
De rien. 

jeudi 11 septembre 2014

Combien de temps ?

L'espoir. Ce truc un peu fou qui nous fait frémir, parfois, quand on rencontre quelqu'un et se dire Est ce que ça va marcher ? J'aimerais que ça marche... 
L'espoir d'une part mais pas que, mon esprit intègre aussitôt l'effet chat échaudé et se dit c'est pas possible, ça va pas durer
Ce petit caillou dans la chaussure, cette réminiscence que, vu le nombre de nazes dont j'ai croisé la route, pourquoi celui ci serait-il différent, en somme ? 
Un moment de suspicion. De doute. 
Quand mon téléphone est silencieux, mon regard se fait implorant. Que peut la technologie contre mes angoisses ? Si j'attendais une lettre à la poste, je tiendrais trois jours. Là, au bout de deux heures, je m'étiole. 
L'engrenage des Et si ? m'entraîne dans les bas fonds de mon imagination En fait il a changé d'avis. Il a rencontré une sirène. Il sait pas comment me dire que...
Alors que non, tout le monde n'est pas sous perfusion d'internet, tout le monde n'est pas drogué comme je le suis. Quand on passe une journée en formation ou sur un voilier, on passe rarement son temps à envoyer des textos (il paraît que l'I-phone n'est pas waterproof mais qu'il plonge très bien, même). 
Combien de temps avant de baisser la garde, avant que les questionnements ne s'estompent ? S'estompent t-ils jamais ?
Je suis un animal blessé qui scrute son environnement d'un air méfiant, et j'ai du mal à aller vers la main qu'on me tend. Va t-on me caresser ou m'enfermer encore ? 
J'aimerais baisser la garde mais je me suis fait tellement mal ici et là, cette année encore. 
J'aimerais décrypter un regard, un échange, une phrase, j'espère en me mordant les lèvres. 

vendredi 5 septembre 2014

Sans peur et sans reproche

Cette sensation de légèreté, grisante. Un moment où tout est possible, dans l'éclat d'un sourire, un regard. L'impression d'être au bord du monde et de pouvoir sauter, là, dans le vide, en hurlant, envie d'avancer, peur effacée, qu'importe la chute, donnez moi cette ivresse du moment. Je suis invincible, je rayonne, j'ai envie de gambader dans le monde. 

Est ce que ça va durer ? 
Maybe not. 

I don't really care now. Thank you de vous inquiéter. 

Je surfe sur une vague de mots qui semblaient pourtant interdits en 2014, et des papillons ici et là. Une petite bouffée d'oxygène pour une rentrée des classes en douceur, avec crépitement intérieur. I like it. I think I really like it.

mercredi 3 septembre 2014

Le poids des ans, le choc des bilans

Ainsi vont les années jusqu'à celle ci, le choc d'une crucifixion, 33 ans. 

Parler de sagesse me semble un peu étrange, je trouve que j'en suis fort loin. Me restent les petites rides qui tracent lentement mais sûrement leur chemin autour de mes yeux, et ce vif argent ici et là dans mes cheveux. 

Si c'est la mélancolie qui domine ces premières lignes, c'est au constat du joyeux bordel de ma vie, que, non, je n'imaginais pas comme ça aujourd'hui. 
J'imaginais la licorne, de ces maisons dessinées par les mômes, qui n'ont qu'une face, une cheminée qui fume alors qu'un soleil de plomb égaie un ciel parfaitement bleu, sous lequel une famille se tient la main, sourire 3000 carats comme si elle venait de gagner au loto. Une idée de bonheur enfantin, tangible, simple. Un idéal de conte de fées, où on ne peut pas vérifier si le prince charmant buvait un Ricard avant d'occire le dragon, s'il ronflait, ou si la princesse ratait même la cuisson des oeufs à la coque. Une idée d'un bonheur figé sur le papier glacé d'un livre où il fait toujours soleil, quand ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants. La mauvaise haleine, la gueule de bois, les échardes, et les gentils qui s'en vont toujours trop vite, on avait plus de place pour les imprimer, et puis ça fait un peu désordre. 

Le bonheur avec un grand B est un bâton merdeux. 
Je vis pour les instants parfois fugaces, parfois au long cours, qui me donnent envie de me lever le matin. Pour les moments, petits et grands, qui sont si jolis qu'on voudrait les mettre en bocal pour les jours de pluie.  Je vis, je vais bien, ne t'en fais pas, je virevolte au gré du vent, j'aimerais me faire une traversée mer calme, vent de force 2, molissant. Parfois c'est tempête sans avis, chavirement, un gros grain, puis une accalmie, et ça repart. Parfois je dévie, aussi, mais je tiens mon cap contre vents et marées. Parfois je navigue en solitaire, parfois je suis en équipage. L'équipage ne me convient pas forcément au long cours, mais j'ai envie d'aller voir quand même. Parfois je me retrouve seule dès que je fais escale. Parfois j'ai du mal à choisir, aussi. Parfois c'est si simple que c'en est presque suspicieux (on finit par se méfier, à force de s'être fait piétiner le coeur). 

En ce beau matin de mes 33 printemps, je n'ai pas envie de me méfier, ni de m'interroger sur le sens de la vie, simplement de suivre le cours du fleuve en faisant la planche. Mer calme, lunettes de soleil, sourire. See you on the other shore...