jeudi 30 janvier 2014

Houston ? Allô Houston ?

Je tombe. Tout doucement, mais sûrement je tombe. Je tombe de mon petit donjon personnel, où je me suis enfermée pour ne plus ressentir que le plaisir, sans risquer de me blesser l'âme au passage. Oh bien sûr, on finit toujours par s'égratigner ici et là. L'an dernier, le vikingpar exemple. J'ai beau me dire qu'il n'a fait que m'effleurer, il m'avait pas mal chamboulée au passage. Un peu plus tard, moins violemment, le grand brun, aussi. S'il avait été géographiquement plus compatible (quelle litote), je me serais amoché au moins un genou, voire les deux, et peut-être même aussi violemment le palpitant. 
C'est le syndrome du violoncelliste, sous mes yeux, là, maintenant. A portée de main. 
Un homme qui m'a ouvert un peu sa vie et qui joue pour moi, ce soir, rien que pour moi. 
Le voir jouer au piano, juste à côté de moi, sentir la pièce vibrer de musique, et pourtant le sentir si loin, inaccessible. Pouvoir le toucher du bout des doigts et avoir l'impression qu'il m'échappe déjà. Je le regarde jouer, les doigts fins qui courent sur le clavier, cette voix grave, un peu rocailleuse, et je souris, déjà un peu perdue. 
Et là, je vois venir le désastre. Je vois de mes yeux comme une Cassandre maudite comment tout ça va évoluer, ce que je n'oserai pas dire, ce que je dirai, la symbiose de deux esprits, de deux corps qui se trouvent, se reconnaissent. Je vois aussi tout ce qui les sépare, déjà.
Je souris, et je pense, à la même seconde exactement, je pense Fuck. Je pense que c'est trop tard, que c'est parti, que si j'avais voulu éviter ça, me protéger, retourner me coucher dans mon panier tel un vieux chien perclus de rhumatismes, je ne serais pas là ce soir, à l'écouter, seule au monde, face au monde, au bord d'une falaise, prête à m'y jeter. 
Derrière son regard noir, pour moi, rien n'est sondable. Bien incapable de savoir ce qu'il pense, l'homme. Bien incapable de déchiffrer ce petit sourire énigmatique. 
Je pressens l'après passionnel, les cendres, déjà. Je lis tout ça dans cet instant, devant ce piano qui ne semble vibrer que pour moi ce soir, pourtant, alors que les mêmes accords ont déjà probablement été égrainés en tant d'autres circonstances. Mais ce soir, il n'est qu'à moi. Ce moment est unique. Ce soir, je suis la reine du bal. Je suis la Cendrillon qui se moque de rentrer en guenilles. L'ivresse du moment, la beauté de l'instant me laisse échouer ici, j'ai soif d'une suite, qu'importe si cette eau là est trouble. Et je sais qu'elle l'est. Je peux le voir, à la surface, cette densité improbable, un frémissement presque imperceptible annonciateur de faille. 
Mais je suis vivante, aussi, et je ne veux pas passer à côté. Je marche fièrement, la tête haute, vers une guillotine sentimentale assurée. 

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